L'Oeil d'Anouk - Photographie
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Ásatrú

PROJET - Que pouvons-nous apprendre de l’Ásatrú ?

Il n’est pas rare d’entendre que les églises se vident… et l’Islande ne semble pas faire exception à cette règle.

Christianisée aux environs de l’an 1000, sous une probable pression politique mêlée à une influence extérieure, l’île reste aujourd’hui largement acquise à l'Église luthérienne considérée comme religion d'État. Cependant, la constitution garantit la liberté religieuse, permettant aux Islandais de pratiquer toute autre religion ou de ne suivre aucune croyance.

C’est au début du 20ème siècle que l'Ásatrú, littéralement « foi en les Ases », les dieux principaux du panthéon nordique, commence à renaître en Islande, comme un symbole d'identité nationale et de résistance à l'influence chrétienne. Cette religion néopaïenne repose sur les croyances et pratiques des anciens peuples scandinaves et germaniques, notamment des Vikings. Ce regain d'intérêt peut aussi être perçu comme une quête d'authenticité culturelle et un retour aux racines préchrétiennes.

L'Ásatrúarfélagið, l’association Ásatrú, est fondée en 1972 par Sveinbjörn Beinteinsson, un fermier, chanteur et poète, dans le but de remettre en lumière ces anciennes croyances et pratiques religieuses. L’Ásatrú obtient rapidement le statut de religion officielle, permettant ainsi aux adeptes de célébrer des rituels comme des mariages et des funérailles dans un cadre religieux reconnu.

Aujourd’hui, les pratiquants de l'Asatrú considèrent leur « religion » comme inclusive et ouverte à tous, indépendamment de l'origine ethnique. Les valeurs fondamentales s’ancrent dans le respect des ancêtres, la loyauté, le courage, la préservation de la nature et la célébration de ses cycles.

Mais peut-on réellement la qualifier de « religion » au sens strict, ou ne s’agit-il pas d’une spiritualité moderne qui tente de concilier le respect des traditions anciennes et les préoccupations contemporaines ? Si tel est le cas, comment y parvient-elle ?

Ce projet vise non seulement à explorer l’attrait grandissant des Islandais pour ce mouvement spirituel, mais aussi à tenter d’identifier d’éventuelles réponses à quelques questions « existentielles » qui semblent être le dénominateur commun de nos sociétés dites occidentales.

Que pouvons-nous apprendre de l’Ásatrú ?

Cette année, j’ai l’intention de réaliser une série de portraits de personnes de toutes générations qui, de près ou de loin, se reconnaissent dans l’Ásatrú et de documenter des rituels ou autres cérémonies liées, par exemple, aux cycles de la nature.

Pour ce faire, j’ai choisi un médium argentique que je considère comme intemporel, toutes les images étant prises avec un Mamiya 6 (appareil photo moyen format). Il s’agit de renouer avec la réflexion avant le déclenchement, avec la lenteur, une démarche qui me paraît être en harmonie avec ce sujet teinté de retour aux racines. Je retrouve ainsi l’essence de la photographie de mes 20 ans.

Il m’apparaît essentiel d’ajouter une dimension orale à chacun des portraits. Les témoignages sont recueillis et enregistrés en anglais, puis transcrits et traduits. A chaque personne, je demande également un extrait de son récit en langue islandaise dont la racine historique est le norrois, la langue mère de toutes les langues scandinaves. Son isolement et sa grande tradition écrite ont permis à l’Islande de conserver une langue très proche du norrois médiéval. Sa musique particulière en fait une langue unique.


En décembre 2024, ces trois rencontres posent la première pierre de ce projet:

Kári

Folkloriste et titulaire d'un master en religions pré-chrétiennes nordiques

Comment est-ce que je définirais l’Ásatrú*? Est-ce une religion ou une philosophie? À mon avis, ce n’est pas une religion comme celles que nous connaissons dans le domaine monothéiste. Nous disons souvent que les dieux et les divinités sont höft og bönd - contraintes et attaches. Ils nous lient au paysage, à l’environnement, et il s’agit très souvent d’une personnification des forces de la nature et des forces humaines.

Alors, si nous nous penchons sur l’idée de « religion », ce serait plutôt naïf, à mon avis, de dire que ce mot ne décrit qu’une seule chose. Dans le monothéisme, d’une part, et dans le polythéisme, d’autre part, nous trouvons des compréhensions très différentes de la religion, de la vie, et du rapport à la nature. Les attitudes envers les divinités sont également très différentes.

Donc, d’un certain point de vue, c’est une philosophie, et d’un autre, cela relève de ce qu’on pourrait appeler du panthéisme ou... de l’attitude et du rapport que l’on entretient avec la vie.

* Littéralement: foi, croyance en les Ases - Dans la mythologie nordique, les Ases forment le groupe de dieux principaux associés à Odin et habitant la cité d'Ásgard. Ils coexistent avec deux autres groupes de divinités, les Vanes et les Dises.

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Jónína

Artiste, enseignante en arts visuels et aromathérapeute

Je définirais l’Ásatrú* de cette manière: il s’agit en partie d’une religion, en partie d’une philosophie et, finalement, en partie d’un style de vie. C’est en fait tout cela à la fois tout en y ajoutant beaucoup d’autres choses. C’est peut-être principalement une coutume ou une manière de vivre selon certaines traditions.

Ce n’est pas une religion où l’on passe beaucoup de temps à prier ou à admirer les dieux. Les dieux sont plutôt considérés comme des amis. Ils ne sont pas lointains ou au-dessus de toi, ils sont proches.

En ce qui concerne le côté philosophique, nous nous concentrons davantage sur l’éthique ou sur les coutumes liées à l’éthique. Ces principes se trouvent principalement dans l’ancien poème Hávamál** - Les paroles du Très-Haut - et dans les bons conseils qu’il contient. Ce sont de précieux conseils pour bien se comporter dans la vie.

Et quand on parle du style de vie lié à l’Ásatrú, c’est peut-être plus difficile à définir. Certains voient l’Ásatrú comme un style de vie, mais pour moi, c’est difficile à expliquer, car j’en fais partie depuis si longtemps...

* Littéralement: foi, croyance en les Ases

** Poème faisant partie de l'Edda poétique, un recueil de poèmes traditionnels de l'Islande médiévale. Il est attribué à Óðinn - Odin, dieu du panthéon nordique. Il présente une série de conseils pratiques, de préceptes éthiques et de réflexions philosophiques.

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Garðar Ás

Entrepreneur à la retraite

Je fais partie de l’Ásatrúarfélagið* depuis environ 19 ans. Je me suis inscrit au mouvement parce que je n’ai jamais pu comprendre la religion chrétienne. Comme tout Islandais, j’étais inscrit dans l’Église nationale luthérienne. C’est après avoir entendu l’évêque, ou un autre représentant, à la radio il y a une vingtaine d’années que j’ai décidé de quitter l’Église nationale. Je n’avais jamais entendu de telles absurdités et une telle arrogance sortir de la bouche d’un homme. A ce moment-là, et pour cette raison, j’ai décidé d’adhérer à l’Ásatrúarfélagið, mais j’y songeais déjà depuis un moment.

* Littéralement: association Ásatrú

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- un grand merci à Þór (Thor) Tulinius et à Jónína K. Berg pour leur appui constant et précieux dans la réalisation de ce projet -